De la nuit j’ai gravé les versants enlunés ;
dévalé des nuées, entraînant dans ma chute,
des branches d’étoiles et des cordes de luth
car j’étais des rêveurs, ô le plus fortuné !
Moi, j’avais des îles, des châteaux suspendus
dans des brumes si blanches qu’on les crut mariées ;
Moi, j’avais des villes, des jardins, des orées,
un Olympe et des muses d’un sourire fendues
qui aimaient se mirer dans l’or noir des puits
puis conter fabliaux quand crépitent les flammes
- De si douces amours pour le cœur de ces dames -
Fredonner rengaines en dansant sous la pluie.
Moi, j’avais des îles, deux L à mon prénom,
un empire où les rimes au soir se bousculent
comme pipistrelles fondent au crépuscule ;
j’étais le ménestrel, toi, tu étais chanson…
J’étais Pierrot le fou parfois ce frère Jacques
qui ne voulait dormir ni sonner les mâtines
de peur que l’aurore bien trop tôt élimine
l’Eurydice perdue dans ses heures dionysiaques.
Il manque des fontaines à la Chantefable
Il manque un carrosse à ce vieux carrousel
Il manque des oyes et quelques damoiselles
Il manque au rivage maintes lettres de sable.
Il manque des rires, de l’encre sur nos doigts
II manque bien trop de temps à cette éthernité
Un comble – diras-tu ! Que font les déités ?
Nous les avons priées pourtant combien de fois ?
Et Cypris renaissant des écumes songeuses !
Et Phoenix des cendres sur le bord du Vésuve !
Eros était ivre de larmes et d’effluves,
étendu au solstice d’une dune neigeuse.
D’utopies en tipis, d’anathème en totem,
enchantions-nous la Terre et ses pensées sauvages.
C’était plus qu’un credo, une loi, un langage
quand Plume libérait ses légions de poèmes.
Il reste des pays à peupler de merveilles,
Des pages à noircir, des chandelles à moucher,
Des tarots à jouer, des secrets à coucher
Sur le vélin des jours en défiant le soleil.
Il reste à dompter d’innommables falaises,
Des arcs à bander et d’autres à colorer ;
On dit que ceux des cieux dissimulent Borée,
Le chasseur d’orage, le
souffleur de genèse.
Il reste à trouver cette pierre turquaise
quelque part à l’abri dans nos marges anciennes
Et toutes ces vagues, ces valses de Vienne…
Je chanterai si fort pour que Moires se taisent !
Je rimerai si haut que tomberont des nues
Les dieux, les chérubins, les ruses de Loki ;
Scanderai syllabes comme un vieux Cherokee
et réinventerai des mondes saugrenus
D’autres Atlantide flottant dans l’Espérance
De nouvelles Babel surgissant de l’Abysse
Referai d’Arcadia fabuleuse Polis
pour t’offrir encore ces plus belles errances.
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