Aux Écritures qui furent,
figurez-vous,
des Élégantes plus que des
Saintes-nitouches
j'ai connu des Encres qui, sur des
billets doux,
invitaient à l'Amor comme un
amuse-bouche.
Elles venaient d'Orient dans des vases
de jade
et leurs cœurs dissolus étaient noirs
de fumée ;
ô quelles merveilles que leurs danses
naïades
sur de grands éventails aux lames
parfumées !
Fille des collines ou princesses des
mers,
elles aimaient l'ombre, elles aimaient
la pluie,
les vélins orgueilleux et les peaux de
chimères
où elles s'étendaient pour faire de
la nuit...
La plus belle d'entre elles, on la
disait Déesse
et dernier des trésors qu'un lettré
diligent
regardait s'évader tout en délicatesse
d'un calame affûté, d'une plume
Sergent.
Kali Graf, c'est ainsi qu'elle était
invoquée ;
idole arabesque à la pulpe d'orage
amère ;
à sa ceinture balançaient les mains
tronquées
de poètes maudits, ces chasseurs
d'éphémères.
Et pour narguer le sort, elle tirait la
langue
mais cette Langue alors était
babélienne ;
à ses pieds, d'autres dieux, d'autres
nobles harangues
bâtissaient des cités avec son sang
d'ébène.
Lorsque les pennes d'oie à de plus
jeunes « pens »
laissèrent le papier, les bouts de
doigts tachés,
les Encres en cartouche alors
couronnées reines,
à ces nouveaux fervents s'étaient bien attachées.
Et moi qui fus l'Enfant, armé d'un
pieux stylo
pour dessiner du ciel et des
lettres-oiseaux ;
moi qui fus chevalier mais aussi
matelot,
je devins leur servant, mes veines
leurs vaisseaux
puis cet amant fiévreux au cœur de
leurs ténèbres ;
Cannibale Lecteur, Grand Dévoreur de
mots,
je goûtai les émois de rêveurs plus
célèbres,
filant dans leurs douleurs mes rimes et
mes maux.
Mes cahiers de chevet avaient des
pages-zèbres
que chevauchaient des squaws aux longs
cheveux de jais ;
le Temps s'était noyé et avec lui
l'Algèbre
dans ces rivières d'encre où Ligeia
nageait.
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