Theo

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mardi 25 avril 2017

De Lyre en Lire

Au son d'une antique lyre qu'Orphée lui-même
dans le cœur triste d'une ébène avait sculptée,
je rêvais jusqu'à l'aube ce qui fut Bohème
- un Eden évanoui sous les nues dilatées -

Mais qui pinçait ces cordes qui n'en étaient pas?
Car on dit que le chantre avait pris d'Eurydice
sept cheveux plus brillants qu'un joyau de stupa,
que les fruits défendus des jardins de jadis.

Entre les bras du sylve, il les avait tendus,
de ses larmes bénis, enchantés de ses vers;
Quiconque ces notes eut un jour entendues,
s'eut cru de vénusté subitement couvert!

A présent que mouraient les dernières ténèbres,
la musique berçait le songe déjà bleu;
j'étais là sur le bord de l'Alphée ou de l'Hèbre,
mélangeant mes sangs d'encre à ces sèves de feu.

Éperdue, j'écoutais ces mélos diluviens,
ce déluge indécent d'ondes et d'ombres belles;
j'aurais suivi la mort si elle m'avait dit -Viens -
d'une voix si semblable aux précieux décibels.

Était-ce Erato qui, couronnée de roses,
à l'ombre des cyprès jouait avec langueur?
Ou peut-être Sappho qui mirant les morphoses
si étranges des eaux, chantait là les douceurs

d'une plage oubliée où s'aimaient les sirènes
quand les vagues mouillant leurs étreintes sacrées
et le bois licencieux de bien rares carènes,
déposaient sels en fleurs sur ces peaux échancrées...

D'une écaille de nacre, elle avait fait un plectre
qui au bout de ses doigts, caressant les fils d'or,
extirpait aux torpeurs les longs mâts et leurs spectres
et les vierges hâlées aux iris héliodores.

Leurs soupirs suspendus entre deux blancs silences
je les entends toujours lorsque comme l'aurore
je renais chaque fois dans ce ciel puis m'élance
vers tout cet infini où planent les condors.

Mais si je me trompe, n'ayant su que périr
un peu plus chaque nuit sur son sein palpitant
Laissez-moi donc goûter le pouvoir de la lyre
et baiser son doux corps tant qu'il est encor temps!

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