Theo

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vendredi 8 mai 2015

Fantaisies incomplètes autour d'un cadran


1.
Saturne le vieux roi portait à chaque doigt
(six doigts à chaque main qui, elles, étaient quatre)
un anneau de cire ne cessant de décroître
au fil de cette heure devenue autrefois.

Quand tous avaient fondu, un jour était passé
et tout recommençait de manière immuable
parce qu'il est ainsi de toutes les belles fables :
la chandelle a brûlé, la rose, elle, fané.

2.
A la lueur des chandelles, m'aimera-t-elle
douze heures et des poussières d'étoiles bleues
au fond des yeux? M'aimera-t-elle encore un peu
si nos jeux amoureux valent bien ces chandelles?

Anneaux de Saturne sont Ellipses de cire
et son sang sur ma langue un puissant élixir

3.
Pages & Plumes nous fûmes naguère
De tendres amantes épistolaires
Velours vélins chapitres et chagrins
Anacoluthes ou alexandrins

Café de l'Horloge, j'écris cela
pour la douzième, vingt-quatrième fois...
Le temps et ses diablesses de sœurs
ont tatoué mon misérable cœur

et ma fichue, foutue, têtue mémoire
que je perds parfois au bout d'un comptoir
mais qui toujours me retrouve à l'aurore
sur le bitume, ivre de toi encore

4.
Elle se disperse dans la nuit
comme brume
indécise et badine
comme écume
qui dans le vent s'enfuit

Et je m'absinthe jusqu'aux mâtines
vers des contrées plus belles
que les songes dessinent

Comment lui dire
qu'elle manque un peu beaucoup
au premier bleu de l'aube
au dernier verre du soir?

5.
Un corps à emporter au large de ses côtes
je ne suis plus cela - j'ai vidé l'océan
de ses fantômes blancs, de tous ses argonautes
cousu la bouche de Circé du fil des ans

Là, sur le macadam, entre deux réverbères
je dessine à la craie nos cadavres exquis
La nuit est Charybde, moi je suis Syllabaire
C'est un bout de trottoir comme un dernier maquis

Et la brume, fille de l'air, fille de joie
ivre de kérosène, de bonheurs perdus,
dans les égouts vomit des restes de vertu.
La mort se tient, la mort volute entre mes doigts.

6.
Sur la grand-route, chevaux allaient
d'un pas trottant
et sur leur dos des cavaliers
Quatre chantant
des vers anciens
Là-haut les cieux
vomissaient des comètes
aux panaches de feu

7.
Dans ce que nous crûmes être du ciel et de la nuit
nous trouvâmes un morceau de lune
qui dérivait alors au gré des courants célestes;
Sorte d'hydrozoaire à l'hypnotique phosphorescence
que nous prîmes pour repère, faisant de sa lueur magique
notre espoir...
Flottions-nous? Marchions-nous?
Peut-être même était-ce une nage?
Je n'aurais su le dire
Nos corps se mouvaient avec tant de liberté 
qu'il me semblait rêver tout simplement.
Nous ne pesions rien ou du moins pas plus lourd que les ailes des anges.
Je te dis cela et tu me demandas si les anges avaient vraiment des ailes
et surtout de quoi étaient faites ces ailes...
Je te répondis : "de nuages, de promesses ou de vent..."
Tu souris et tes yeux laissèrent s'échapper quelques notes cristallines
qui sitôt libérées s'envolèrent avec grâce.
Le chant de ton regard était comme une ritournelle
qui jamais n'en finissait.
Tes prunelles me trottaient dans la tête; elles dansaient dans chaque méandre
mais cela, je le gardai secret
parce qu'il est un sentiment que l'on doit taire pour qu'il demeure.

8.
Le Blanc Merlin lisait les runes
assis sous l'arbre et sous la lune
Devinait-il combien de flammes
brûlaient déjà le corps et l'âme
de cette fée croisée tantôt 
au coeur des bois près du ruisseau?


9.
J'ai laissé sur la page l'encre du crime
Il est presque minuit dit la pendule
Onze coups de plume, quatre coups de rime
puis la Vie se tire - mauve et incrédule

J'ai laissé sur l'écran nos corps-textes mourir
J'en suis fort aise dit encore la souris
Dix-sept anaphores, six cent deux fous rires
puis Fable s'étire - lyrique et yuri

A quoi bon? Pourquoi donc? Le Veux-tu? Qui-va-là?
Tu devines huit énigmes à la fraise
Cent trois serpents, vingts éléphants à Kérala
Et trente six chandelles par temps de braise

Il pleut...il pleut Poète! Rentre tes oxymores
Et tes anacoluthes faut-il qu'on s'en souvienne?
Je n'ai que des refrains et pas un seul remords
moi qui n'ai jamais vu les grands jardins de Vienne

10.
L'orage déchire le ciel en criant son nom
Elémentaires
Electriques
Elégiaques
particules
Mille et un chevaux à bascule
Tout se dissout
Tout se souvient
quand vient la pluie
à grand pas
sur mon toit
je pense à...

11.
Au-dessus de plus haut des ciels, au-delà même,
derrière les voiles nuits,
l'éternité détache son immense chevelure
et du mouvement elliptique, inexorable
s'échappe la rosée que nos cœurs fous
au point du jour récoltent en secret.
La vois-tu naître? L'entends-tu briller?
Sur les verbes sauvages et les roses illusoires?
Ouvre l'amphore! Qu'elle y meure doucement...
C'est le jardin d'ébène en dehors de nos corps.
Des arbres, ne restent plus que les ombres
- géantes barbues - qui ne cessent de croître.

12.
Dans le mouvement des étoiles, le Centaure cherche encore
le pourquoi du Solstice
et son oeil empenné traverse le firmament.
A qui sait regarder, les nébuleuses ont tant à dire.
Lévitante et languide, Andromède sourit;
sa bouche irradie comme un croissant de lune.

Dans le mouvement des marées...





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