Theo
dimanche 24 mai 2015
Ad vitam
Longtemps mon âme-oiseau migra en solitaire
vers des îles au trésor, des comtés magiques;
J'avais le goût des fables, des amours tragiques
des océans sans bord, des flamboyants éthers.
J'ai croisé d'autres âmes qui suivaient aussi
les dessins flous que la vague avait esquissés
de ses doigts d'écume dans les bleus d'odyssée;
La belle eau fredonnait d'incroyables récits
où des reines tissaient dans l'ombre les destins,
où des nymphes couchées sur les corps des naïades
expiraient lentement des baisers de saudade
que les brises volaient pour des dieux incertains.
Longtemps mon âme chercha celle de ses rêves
qui saurait d'un regard, d'un mot ou d'un silence,
nous rendre enfin à la seule, unique évidence;
Je la trouvai un soir d'automne sur la grève.
Voilà bel âge, dit-elle, que je t'attends
et jamais je ne quitte des yeux l'horizon;
J'ai vu si souvent Hélios devenu Tison
éteindre ses cheveux dans les flots consentants,
tant de fois prié que l'Aurore te dépose
tout en douceur sur la plage blanche embrumée;
Je t'ai voulue dans les volutes de fumée,
dans les embruns, dans les vapeurs, dans toute chose.
Et dans les nacres délaissés par les marées,
il m'arrivait alors d'entendre un peu ta voix
qui sitôt s'évadait, en laissant à l'émoi
tout ce moi éternellement désemparé!
Voilà bel âge, dit-elle, que je m'échine
à faire de l'Espoir l'ultime métaphore,
de mon regard, le plus puissant des sémaphores
pour traverser combien de nuits d'encre de Chine!
J'ai compté en lunes ce temps qui nous sépare
lui dis-je, à mon tour, sur un ton éperdu
Des rondes, des blanches, des rousses défendues
Tout était musique en ces mers de nulle part!
La fureur des vagues, les cris du cormoran,
les grands vents nomades, le rire des sirènes;
Je t'ai chantée cents fois sur tant d'autres arènes
au cœur des tempêtes, au pied des torrents!
Nous voici cet automne et ce soir réunies
Cette plage a des airs de Marquise de Sable
Me hais-tu comme je t'aime mon Ineffable?
Nos prémices ont la saveur de l'Infini...
J'ai conté en vers ce temps qui depuis nous lie
au gré des courants et de ces amants contraires
Au large, il fallait soustraire parfois distraire
corps ou cœur dans d'autres liqueurs et d'autres lits.
Il y a bien des songes que je t'imagine
confia-t-elle alors sans pudeur à mon sein
qui offrit à sa langue le choix du dessin
l'épilogue de cette comédie divine
Qu'importe les vaisseaux, les astres arrimés
à ces cieux inconstants! Qu'importe les tourmentes!
ces senteurs nouvelles que l'on trouve charmantes,
car pour renaître ensemble, il fallait s'abîmer.
Il y a bien des siècles que je te devine
dans les ombres mouvantes, les reflets de l'eau
sur ces chevaux d'écume lancés au galop
dans les belles pages d'un carnet moleskine.
Qu'importe les vents, les dérives, les escales
puisque tu es là aujourd'hui entre mes bras
Dans l'extase s'achève notre samsara :
Un anneau de lune pour une âme idéale.
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