La pierre enchantée

Il y a dans le val une pierre qui chante
C'est le vent, parait-il, qui lui souffle des notes
- complaintes anciennes, aubades polyglottes -
qu'elle fredonne à son tour d'une voix patiente.

Les vieux druides l'écoutent en coupant le gui,
les elfes eux aussi sous les chênes alanguis,
tendent l'oreille à ses refrains sempiternels
en mâchonnant de petits brins de pimprenelle.

A la belle étoile, les amants s'y retrouvent
et leurs corps enlacés offrent un peu de chaleur
à son cœur de granit, malheureux sorceleur;
A la lune ronde, s'y allongent les louves

qui redeviennent femmes lorsque poind le jour
- délicates roses dont les peaux de velours
retiennent avec tendresse jusqu'au zénith
les perles de rosée, les promesses bénites.

La pierre que nous cherchions chantait autant
dans la blanche forêt noircie de corvidés
J'avais perdu le nord, le fil de mes idées
sur tes lèvres fendues d'un sourire éclatant.

Parmi la folle herbe et les chardons balançant
leurs lourdes têtes au gré d'aquilons glaçants
nous rêvions, je crois bien, d'un joli lendemain
dont le sort turlupin fit hélas deux chemins.