La Mer des Rêves
"Voici l'entrée de mon royaume"
me dit le premier jour Phoebé.
J'étais restée si bouche bée,
du sel lové au creux des paumes,
que j'oubliai de m'enquérir
simplement du nom de la fille
ondulant devant mes pupilles.
Où donc venais-je d'atterrir?
Le lieu m'était bien étranger
mais l'étrangère avait un air
familier avec ses grands airs
de reine à la robe effrangée.
J'avais, je crois, déjà rêvé
de ses grands yeux azuréens
Ils étaient là, encor gravés,
dans mon esprit mallarméen.
Le reste m'était inconnu;
la Cause avait le regard flou,
sa soeur Conséquence était nue,
en cet instant fébrile et fou
où tout autour de moi dansaient
tant de merveilles innommables!
Un océan qui balançait
de tout son bleu irrémédiable
Et tout ce sable cristallin
qui résonnait sous mes semelles!
Le diable était-il si malin
pour avoir peint l'Enfer en ciel?
Il fallait bien que mon sommeil
fusse donc précédé d'un Grand
pour goûter là le doux vermeil
d'un horizon fort différent...
Tout se mouvait, tout respirait!
De ces dunes irrévérentes
aux longues brumes amarantes
qui plus loin masquaient la forêt.
La fille attendait sur la rive,
souriant à mon hébétude,
j'avais perdu mes certitudes,
mon coeur partait à la dérive.
Mais elle souriait toujours;
l'écume étoilait ses cheveux;
Alors je fis un premier voeu:
Que cet aller soit sans retour!
J'ignorais tout de l'avenir
Qui donc était cette apsara
dont les iris de cents carats
hantait d'opaques souvenirs?
Voici l'entrée de mon royaume
me dit Phoebé le premier jour
La nuit et son vaisseau fantôme
te menèrent à moi, cette tour
qui là-bas se dresse et empale
les cieux comme un glaive divin
ce minaret de chrysopale
et moi...t'attendions en vain...
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