Mes Moires II

Tandis que mes moires en artistes tenaces

tissaient de l'existence un fil des plus ténus

Dans l'ombre bleue des dieux, joueurs de calebasses,

Moi je tissais la langue en phrases saugrenues.

J'avais aussi tressé le fil d'une histoire

avec le fil d'Ariane et puis celui de l'eau;

Il ne restait plus rien, au fond de mes tiroirs,

que des bobines vides, des stylos mégalos.

Les vagues avaient poli les vers plus revêches,

donné leurs écumes aux mots dépenaillés;

J'avais laissé l'espoir dans mes filets de pêche

ainsi que Pandore dont l'arche entrebâillée

avait fait s'échapper les vices et les maux

pour ne garder tapi, au creux de son abîme,

qu'un peu de ces lueurs, baptisées idéaux,

qui font couler le sang, l'encre de tant de rimes.

J'avais encor tissé avec trop de patience;

Etais-je l'araignée ou la reine d'Ithaque?

Ma toile un long réseau fait de nos résiliences

qui résistent toujours aux peurs et aux attaques?

Tisseuse d'aventure au cœur des nuits de givre,

J'étais née sans cri, à quelques pas de l'hiver,

bien à l'ouest des rêves, là sur un bateau-livre,

aux cales débordant de légendes corsaires.

J'ai bâti des Babel, pensé des labyrinthes

pour retenir le temps - minutes minotaures;

Noyé mes illusions dans le vert de l'absinthe

et comblé les silences jusqu'à la pléthore!

J'ai bu de tout mon soûl l'eau fourbe des clepsydres,

retourné sans faiblir les sabliers devins,

pressé les pommes d'or pour en tirer un cidre

ô bien plus savoureux que le nectar divin!

J'ai bu de tout mon soûl des clepsydres l'eau fourbe,

retourné sans faiblir légions de sabliers;

Donné à l'horizon une autre ligne courbe

où dorment de vieux fous sur leur unique pied!

Tandis que mes moires en douces Hespérides

tissaient des aurores cousues de fil de soie,

Moi je brodais tes yeux aux ailes des piérides;

J'inventais des contes et des reines sans roi.

Tandis que mes moires en Sœurs des Impavides,

tissaient de mes lunes le filament nerveux;

Sur l'écheveau des cieux qu'un souvenir dévide

Moi je tissais ton nom dans un dernier aveu.