Theo

Theo

jeudi 2 janvier 2014

Nocturnelle

Odelune de nacre avançait dans le noir;
Elle avait emprunté le sentier serpentant
entre les brumes gardiennes jusqu'au manoir,
et traversé aussi de bien sombres étangs
qu'une armée de roseaux, scindée en bataillons,
cernait de toute part en complotant tout bas
et leurs mots se fondaient dans ceux des nymphéas.
Là, parmi les tiges, gisait un médaillon.
Il cachait en son coeur un portrait abîmé
dont les couleurs avec le temps avaient pâli;
Le portrait d'une dame qu'elle avait aimée
avant que la mort ne s'invite dans son lit.
*

Elle poussa les grilles et leur plainte aigue
pourfendit alors les harmonies nocturnes,
tirant de sa torpeur ce sorcier de Saturne
qui sitôt se remit à philtrer la ciguë;
Pour faire des heures d'insidieux poisons
instillés chaque nuit dans les coeurs des amants
quand ceux-ci se livrant aux longues pâmoisons
ouvraient grand chaque veine du firmament.
Elle erra dans le parc un instant, respirant,
le parfum capiteux des jasmins endormis;
Le branchage des arbres ployait à demi
sous le poids de milliers de boutons odorants.
**

Le manoir l'attendait. Il avait revêtu
pour la nuit, ses habits d'ombres et de lumières,
orné ses boudoirs de chandelles, suspendu
aux colombages, de folles tresses de lierre.
Le silence avait fui et des doigts invisibles
caressaient à présent les touches ivoirines
d'un piano oublié dans la chambre d'Erynn;
Chaque note vibrait d'un chagrin indicible.
Elle entra doucement, s'allongea sur les draps,
puis laissa tomber ses paupières argentées
dans la mer de velours, de soierie naccarat
jusqu'à ce que la Dame veuille la hanter...



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire